shout out to the old me.

we are all sinners in the end

 

ic. / aslaug

Sang sur ses doigts. Regard vide.
Il fixe sans voir le liquide qui s’écoule.
Il le revoit sans cesse.
Le sang, le sang rouge qui coule, coule, coule. Sans jamais s’arrêter.
Sur ses bras, ses jambes, sa taille. Il étouffe, il se noie dans ce sang qui jamais ne s’arrête, jamais ne lui laisse une seconde de répit. Il ne peut que voir, mourir.
Immortel pourtant, il ne le rejoindra pas. Pas cette fois.
Amour envolé, lumière éteinte dans les pupilles qui le regardaient il y a encore quelques instants. Rien. Plus rien.
Il n’a plus rien, il n’est plus rien.
Mort, mort impossible.
Une seconde, juste une seconde.
Laissez-le mourir.


 

ic. / renagade

Pas qui résonnent dans la nuit, les mains dans les poches. Il pousse la porte du bar sans même accorder un regard aux alentours. Aucun intérêt, rien n’y personne. La vie n’a plus de saveur, les autres ne sont que des formes floues et sans saveurs. Il ne voit rien, n’entend rien. Traverse la salle jusqu’à une table libre. S’installe et prend distraitement la carte qui traîne, lit en diagonale. Quand la serveuse s’approche, il commande sans lui accorder un regard de plus. Il sent. La minauderie, les regards sur lui, la seconde de trop qu’elle passe près de sa table. Il sent tout mais ne s’y attarde pas. A une époque, il se serait baigné dedans, il en aurait savouré chaque seconde. L’aurait séduite, l’aurait fait voyager.
Mais c’était avant.
Avant tout.
Une nouvelle vie, une nouvelle aventure.
Plus de trente ans cette fois, il est déjà mort avant. Homme mûr, corps qu’il apprivoise. Qu’il connaît par cœur. Battements dans sa cage thoracique, preuve de plus qu’il est humain aujourd’hui. Un soupir et il prend le verre qu’on lui amène. Observe une seconde les chiffres gribouillés rapidement sur une serviette glissée subtilement. Invitation claire et il se demande depuis quand les humains sont aussi cavaliers. Il les a vu devenir bien plus sage après la grande époque de la Grèce antique mais ils semblent prendre un nouveau tournant. Sourire en coin et il laisse le bout blanc sans y toucher.
Il boit. Il boit comme si c’était de l’ambroisie et qu’il était encore dieu de quoique ce soit.
Epave aujourd’hui, il boit pour faire passer le temps, pour faire se succéder les jours.
Il boit parce qu’il n’est plus rien et n’aspire plus à rien.
Dans son cœur, le néant et dans son âme, le chaos. Très approprié.
Il sourit en coin à ses prendre pensées, amer. Boit encore et paie l’addition. Il trébuche à la sortie et un bras passe autour de sa taille. Plus petite que lui, son service fini. Décidée. Il l’observe une seconde. Croise des yeux marrons, chauds et doux. Elle mérite mieux. Mieux que la vie qu’elle mène. Mieux qu’une nuit de sexe animal avec un dieu-épave qui ne sait même plus s’il a un jour été quelqu’un ou si ce n’est qu’une hallucination.
D’une voix creuse, il murmure. « Ne t’approche pas de l’arbre mort. » Prophétie ou mise en garde ? Son don est aléatoire et même lui n’est plus sûr de rien. Il se redresse, tapote son épaule et s’éloigne. Elle mérite mieux.
Il méritait mieux.
Mais la vie est une salope.


 

ic. / strangehell

Encore une fois.
Couché dans son lit, les yeux fixés sur le plafond, il soupire.
Encore une fois. Une dernière fois. Il se le promet – pour la centième fois.
Mais c’est tellement toujours la même histoire.
Un regard, un rire. Des mains sur son torse, des lèvres contre les siennes, il oublie, il se laisse entraîner dans une danse qu’il connaît par cœur. La plupart s’en contente, sont heureux d’une nuit avec lui. D’autres veulent devenir plus. Il refuse, abandonne, fuit à son tour.
Et parfois, parfois il y en a un qui reste, qui s’accroche plus fort, qui abaisse ses murailles.
Le trou dans son âme vibre et le fait craquer. Parce que c’est tout ce qu’il veut. Parce qu’au fond, derrière les remarques acerbes, les blagues, les conneries qu’il enchaîne avant de pouvoir y réfléchir – c’est tout ce qu’il veut. Quelqu’un qui l’aimera. Quelqu’un qui ne fuira pas. Alors il laisse faire, il aime, il tremble, il se laisse embarquer dans une histoire courte – toujours courte.
Dans son lit froid, le souvenir encore amer d’un sourire, d’un regard, d’un baiser. D’une personne qui déjà s’efface alors qu’il essaie de se protéger contre l’abandon, contre la douleur. Toujours plus grande, toujours plus forte. Chaque nouveau coup comme un poignard entre ses cotes et l’animal lèche ses plaies en les effaçant, en les oubliant. En refusant qu’elles soient réelles pour ne pas en subir les conséquences.
Soupir alors qu’il se redresse. Ses mains sur son visage, frottent ses yeux, ébouriffent les cheveux. Il n’est plus rien aujourd’hui. Il n’a rien. Il n’a jamais rien eu. Des illusions et des gens qui le vénéraient pour obtenir quelque chose. Tout le monde veut toujours quelque chose.
Même dans cette vie, ses parents se sont barrés, n’appellent que quand ils ont besoin. Même dans cette vie, tout est flou et froid et seul.
Apollon, Emery.
Un combat en solitaire, adversaire flou qui ressemble étrangement au reflet dans son miroir.
Il se lève, regarde le soleil se lever. Sent la chaleur, une part de lui, de tout son être. Il est le soleil, le dieu de la vérité et de la guérison.
Alors pourquoi n’arrive-t-il jamais à se guérir lui-même ?