Contexte

I - GENESE
Nul ne sait ce qui a pu surgir des entrailles nécrosées du néant primordial. Du comment. Du pourquoi. Seules quelques rares traces d'anciennes civilisations subsistent. Statues érigées en l'honneur d'héros déchus, aux exploits nébuleux. Ruines archaïques de guerriers ayant sombré dans l'oubli, quelques parchemins balayés par les vents du temps, temples engloutis sous les flots de mers obscures. Les plus grands pionniers de ce monde, voyageurs, aventuriers, baroudeurs ont tenté de résoudre les énigmes d'éons révolus, en vain. Nul ne sait.

Bien avant même la naissance de la terre, à la naissance même de l'univers, sortis des tripes nauséabondes d'une créature vorace, dévoreuse de monde, ses enfants. Nommés Entités. Créateurs viscéraux des panthéons divins, pères et mères de l'univers. Rares sont ceux à connaître leurs existences, car leurs noms multiples, aux origines distordues, branches parallèles, opposées, ont fini par semer le doute sur les racines de leurs provenances. Aujourd'hui, ils ne sont plus que des noms, des gloires, ayant été occultés. Bien que sous de différentes appellations, ils insufflent la peur et la crainte dans le cœur des créatures surnaturelles et même, des dieux.

II - LE DÉCLIN
Bien avant même la naissance de l'humanité, alors que l'univers tel que nous le connaissons, n'était que le berceau des créatures et divinités; le premier Déclin, de sa force nébuleuse, ombrageuse, frappa les esprits et consciences magiques de l'univers. Le Déclin Primitif. Cette simple appellation pouvant donner une nuée de frissons sur l'échine d'une Entité. Cette malédiction primordiale, touchant l’entièreté du *Mundis. On ne sait d'où elle tire sa force, ni même les racines de ses origines. Mais une seule chose est sûre, elle semble inévitable, fatale et meurtrière. Animant les cœurs et esprits de courroux inéluctable.

Et le premier suffit à plonger les Entités dans un bain de sang. Les trahisons s'insurgèrent au sein du panthéon primordial, certains furent emprisonnés dans les abysses de dimensions impénétrables, d'autres transformés pour le restant de leurs jours. Les survivants de l'affrontement restèrent éloignés de toutes menaces, continuant à régner sur l'ensemble de l'univers, tandis que d'autres vinrent à s'exiler d'eux-même. Brisant ainsi l'harmonie de leurs fonctions primitives au profit d'un équilibre fragile, empli de rancœurs, d'amertumes et de regrets.

Les dieux et créatures s'affrontèrent aussi en des combats tout aussi sanglant. Provoquant ainsi, la naissance d'un nouvel âge, celui de l'humanité qui vint à surgir après la terrible catastrophe. Sur Gaïa, la Terre, les créatures se replièrent dans les ombres, laissant peser le doute de leurs existences secrètes en des mythes sibyllins.

Certaines rumeurs se fondent au sein des ombres, certains prévoyant un énième déclin à venir... Mais nul ne sait lorsque celui-ci surgira à nouveau.


III - LE LIBRE ARBITRE
Les créatures se sont retranchées dans les ombres. Et avec elle, emportant le triste souvenir de leur chute. Les humains ont conquis Gaïa sous les yeux invisibles de celles-ci, guidés par leurs légendes, leurs traces d'antan. De la magnificence de civilisations nébuleuses, jusqu'à leur terrible chute, les créatures ont toujours veillé à ne jamais interférer chez les mortels. Et lorsque ce fut le cas, il n'en résultat de que terribles calamités. De Vlad L'Empaleur, d'Alexandre Le Grand que l'on disait touché par la grâce des Dieux et nombres d'autres héros, malveillants, bienveillants.

Au fur et à mesure du temps, des années, certains changement se sont opérés. Comme cette voix, lointaine. Cosmique, intangible et libre. Le Libre Arbitre. Seul à pouvoir véritablement agir sur l'humanité. De ces héros de guerre, morts sur le champ de bataille, revenus à la vie avec des pouvoirs mystiques, de ces innocents que la guerre laisse derrière elle en un tas de cadavres putrides touché par la main invisible du Libre Arbitre. Nul ne sait pourquoi, ni même comment le Libre Arbitre fonctionne. Ni même dans quel but. Ce qui est sûr, c'est qu'il accorde à certains êtres humains le don d'une vie nouvelle. Celle du prix des ombres.


IV - DE NOS JOURS
2019. Ère des hashtags, des applications, des smartphones, des réseaux sociaux, des instagrameurs, des youtubeurs.

Il y a ce mortel, qui chaque soir règle sa sonnerie pour six heures du matin. Car le lendemain, c'est le quotidien, aigre, amer, presque trop réel, qui reprend le pas. Il a checké ses derniers mails, fait ses dernières retouches sur son compte-rendu à son boss. Le tout en remuant l'eau bouillante de ses pâtes.

Puis il est parti se coucher, avec cette tasse de thé fumante sur sa table de nuit, ce livre comptant l'épopée de créatures fantastiques près de son chevet. Comme à chaque matin, il s'est réveillé un peu plus tôt, avec de l'avance, pour pouvoir se réveiller en douceur, réchauffer ce thé froid, ajuster sa cravate et se parfumer d'une de ces eaux bon marché dans laquelle il a liquidé son salaire.

Et puis il a couru, en se rendant compte que sa montre n'avait plus de piles et qu'il allait devoir prendre le prochain métro. Celui-là même, dans lequel il grimpa sous l’œil aiguisé de ce type qui assiégé dans le fond, sous le bourdonnement des rails et des lueurs défilantes, formait des ombres au-dessous de cette capuche camouflant ses traits.

Leurs regards se sont croisés et comme un souffle lointain, intangible, la morsure froide de son regard a frôlé son échine comme une langue glacée. Un mauvais pressentiment. Lorsqu'il a pris ses jambes à son cou afin d'aller se réfugier dans les toilettes du métro, fermant à clef derrière-lui, il a dégluti, avant d'entendre le grincement assourdissant des rails. La secousse de l'arrêt soudain lorsque sa tête se heurta aux murs étriqués dans la cabine.

Et puis de se rendre compte, quelques heures plus tard, en sortant des affres de son coma, que le métro, désormais silencieux, se retrouvait longé de corps déchiquetés et de ses parois trouées, dont les fils électriques illuminait l'obscurité du souterrain par intermittence.

Les Créatures existent. Et avec elle. L'éveil d'un nouvel âge.

Le Déclin.

*Mundis : Nom que l'on donne à la totalité du monde magique et de la communauté surnaturelle sous toutes ses formes.