Torches

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Le petit Prince a délaissé son écharpe flottante pour sa dégaine de loubard. Minuscule hurleur agité dévalant les pentes pavés du village à dos de sa bicyclette dont les roues tunés de flammes venait à éveiller le grondement des passants. Ce petit quelque chose d’éphémère, dans le feu de ces prunelles. Ce petit quelque chose, lorsqu'auprès de ses cousins, cousines, ses pieds venait à s'entremêler à la moiteur humide du sable sous ses pieds et que dans l'horizon, le soleil dévorait la mer.

Les cris. Dans la nuit. Maman est là. Comme une lionne. Une guerrière. Sa chevelure de flammes brille dans la sorgue. Feu personnifié qui abat ses ennemis dans les cendres. L'essence, la suie de ses tatouages coulant fondent comme des serpents de braises. Elle est belle. La féroce. Amazone toute en flammes.

Arkhas ! Ton pied ! Ta garde. Lève le regard ! Là, sur ta gauche ! Tu dois avoir des yeux partout, mon fils. Ouvre les. Pas seulement avec ta propre vision. Mais avec ton âme. Vois ce que les autres ne verront jamais. Apprend. Encaisse. Endure. Tu est l'un des dignes descendant du Porteur de Feu. Les pieds dans le sable répète inlassablement les mêmes gestes, les muscles s'épuisent de l'aurore jusqu'au crépuscule. Et dans son regard, brille toujours les lueurs bleutées du cœur battant contre sa paume.

La lune est rouge, ce soir. Pourpre. Comme le sang de sa mère maculant le sol en une traînée morbide.


Boom. Boom. Boom. Ça résonne. Encore. Là. Dans son crâne. Le chargeur qui se vide dans la cervelle de ce type et les jets d'hémoglobines encore fraiche, bouillante qui sursaute contre ses traits indifférents. Le bout de la rangers qui pousse le corps amollis, le cliquetis métallique de l'arme rechargée entre ses doigts tatoués. Le monstre de colère est partie, ça y est. Comme une décharge après le sexe, il n'y a plus que le vide. Froid. Angoissant. Qui palpite dans ses entrailles. Cette cigarette qu'il porte au bord des lèvres, en même temps que le vent automnal s'infiltre jusque dans ses poumons. Et ses pas, dont l'écho persiste une dernière fois, avant que son ombre ne dévoile un chemin de corps inertes. Un tapis, une rivière pourpre, qui suppure sous la semelle de ses bottes, l'odeur ferreuse de leurs vies éteintes.

C'est chaud. Tous ces corps qui se bousculent et s'enlace au rythme des drogues psychotropes qui s'échangent, se délassent entre quelques mains hasardeuses. Tous ces nouveaux panacées hallucinatoires sortis sur le sombre marché surnaturel. Des chimères, qui se basculent, de visions en visions. De liserées fumeux étreignant l'ombre de ces galbes gorgées d'ombres et de lumières. Et lui. Au beau milieu de la masse qui s'affale et se pousse, d'une même vague harmonieuse.

Il y a une femme, là. Qui brûle. Envoûte. Et danse. Sa crinière de feu qui balaie la foule, même si personne ne semble la voir. L'atteindre. Pourtant, elle elle est là. Comme se déhanche une flamme faite femme.

Arkhas. Arkhas. Qu'elle souffle, de sa voix. Et sous ses pieds, ça granule, ces myriades de grains humides, marmoréens. Que la mer emporte et ramène sur ces grèves immaculées. Ils sont là, cette portée de marmots qui comme chaque jour, semblent découvrir l'aurore de l'astre archaïque qui macule le ciel. Sa silhouette souriante qui s'emporte dans la mer, mais bientôt, ce sont les vagues qui la recouvre, d'une même trombe géante qui l'emporte dans ses abysses nébuleuses.

Elle disparaît. Laisse place à d'autres mirages. De main tatouées qui enlacent son corps, de crinières brunies et de corps incandescents aux voix marquées d'un accent familier qui l'emporte jusque dans la foule. C'est sûrement la fatigue, qu'il se dit. Lavant son visage en sueur d'une main tremblante. Et à nouveau, c'est la réalité de ce regard qui le frappe. Celui de cet homme qui s'approche, celui dont il n'a vu que les envoûtantes prunelles grisâtres, jusqu'à sentir le goût de ses lippes contre les siennes, la moiteur de sa langue, le sel charbonneux qui macule sa mâchoire.

Ses mains se noient dans cette chevelure aux plumes d'ors, leurs souffles se boivent, s'entrechoquent. Les lueurs ouatées inondent les galbes fermes de son corps, de sa nuque qui se plie sous la prise de ses doigts, de leurs sourires si grands, que leurs dents finissent par s'entrechoquer sous des myriades de baisés volés.

Ça tourne. Ça tangue. Comme la cale d'un navire voguant sur des flots tempétueux. Il ne sais plus si le carrelage a toujours été blanc, ou bien si les néons polychromes les avaient inondés de couleurs quelques secondes plus tôt. Mais c'est la seule vision qu'il lui reste, désormais. Celle là et celle de ses mains qui s'accroche vainement à la prise marmoréenne du battant de ces toilettes immondes.

Ça leur arrivait souvent. Comme ça. D'une envie. Après l'amour. Qu'il sorte son appareil, l’œil invisible de cette caméra qui lorgne son corps alanguis entre leurs draps humides, inondés de leurs chaleurs. Et le sourire d'Arkhas qui se cache entre ses bras, ses prunelles fatiguées, ensommeillés, pourtant rieuse qui se terrent contre le coussin. Allez. Allez montre comme t'es beau. Qu'il lui dit. Joueur, un peu enfantin, sa façon de rapprocher l'appareil contre les vallons de ses tatouages qui descendent le long de sa cambrure marquée.

Il se sens poisseux. Fiévreux. C'est sûrement la drogue qui fait enfin effet. Là. Maintenant, seul. Alors que ses mains parcourues de secousses s'accrochent vainement aux battants des toilettes. Et de sa bouche sèche, pâteuse, surgis un flot nauséabond sortis tout droit de ses entrailles bouillantes. Pathétique. Las. Désabusé. Et les souvenirs qui s'enfouissent, lorsque son corps retombe mollement au sol, dans un sommeil vain.